La Week’up x Plastigom : rencontre du 3ème type ?
En octobre dernier s’est déroulé au Mans le RDV #TechinFab : « Sur la route du BIG ». Un moment inédit réunissant les 2 écosystèmes Tech et Fab, pendant lequel Corinne Boulay, fondatrice de la start-up La Week’Up et Annelise Morin, dirigeante de Plastigom, ont partagé la belle histoire de leur collaboration. Une aventure, inattendue pourtant si fructueuse, qu’elles nous ont raconté avec la complicité qui caractérise leur duo ! Interview croisée.
Pouvez-vous nous présenter en quelques mots l’activité de vos entreprises respectives ?
Annelise Morin : Plastigom est une petite usine basée à Champagné près du Mans, qui fabrique depuis 1928 des articles chaussants : les chaussons sont nos produits phare, revendus dans la France entière par un réseau de détaillants indépendants. J’ai repris l’entreprise en 2010, avec comme ferme intention de pérenniser et développer la fabrication française. Aujourd’hui, nous sommes une équipe de 16 personnes, dont 13 en fabrication pure, nous avons des presses à découper, des carrousels d’injection… Et nous avons la fierté de fabriquer nos chaussons de A à Z en « Origine France Garantie » !
C’est un label beaucoup plus exigeant que la fameuse mention « Made in France », qui signifie simplement que la dernière transformation importante du produit a été réalisée en France. Chaque année, un bureau de contrôle indépendant vient vérifier qu’au moins 50 % du prix de revient de nos produits sont acquis en France, en tenant compte aussi bien de la localisation de nos salariés que de l’origine des matières premières. De notre côté, nous sommes sereins : plus de 85 % du prix de nos produits est français. Et malheureusement, on ne peut pas aller plus loin : les pourcentages restants concernent des matières premières qui ne se fabriquent plus du tout en France, par perte de savoir-faire.
Corinne Boulay : Avec La Week’up, nous sommes du côté Tech et pas du tout sur le même marché que Plastigom ! Nous sommes la seule marque française à proposer des coupes menstruelles, des serviettes hygiéniques lavables et des culottes menstruelles, sans produits chimiques, éco-responsables et fabriquées en France.
J’ai fondé La Week’Up en 2018 en inventant, après 1 an et demi de R&D, la première coupe menstruelle pliable, en silicone médical et 100 % française ! À ranger dans une petite boite là aussi innovante, car fabriquée à partir d’épluchures de pommes de terre, une matière jusque-là réservée aux sacs pour transporter les fruits et légumes, avec un partenaire industriel à Savigné sur Lathan. C’est à ce moment-là que j’ai intégré les réseaux French Tech et French Fab.
A priori, rien ne vous prédestinait à vous rencontrer ?
Annelise : Rien effectivement, mais a priori seulement ! En 2019, la CCI et Le Mans Développement m’ont sollicitée pour être la Présidente de Jury et la Marraine de la 3ème édition du Prix de la Startup’euse Mancelle. C’est là que nous nous sommes rencontrées avec Corinne, car c’est elle qui a gagné le premier prix !
Corinne : À la suite de cet événement, Annelise m’a invitée à découvrir son usine. On aurait pu s’en tenir là mais en visitant la toute dernière partie des locaux, là où sont expédiées les commandes, je découvre qu’Annelise fabrique également des chaussures distribuées en pharmacie. C’est là que les premières connexions se sont faites : Annelise m’a proposé de me faire connaître auprès de son grossiste de matériel médical, pour multiplier la présence de ma coupe menstruelle sur le territoire grâce au réseau de pharmacies ! J’avais jusqu’alors sillonné la France pour faire connaître mon innovation dans tous les salons bio, vegan, bien-être du territoire et réussi à être référencée sur des marketplaces, dans des magasins bio et des gros distributeurs type Carrefour Bio. Mais le circuit des pharmacies m’offrait un super nouveau relais !
Annelise : Et puis est arrivé le COVID… Les magasins non essentiels ont fermé, nos clients, des détaillants indépendants ont baissé le rideau. En pleine saison, en pleine livraison, tout s’arrête. On a alors fermé l’usine en se demandant si on allait y revenir. Un coup de déprime qui n’a pas duré plus d’une journée car nous nous sommes inscrits dans le mouvement pour fabriquer des masques avec des partenaires, notre production ayant été reconnue par l’État comme une solution compensant la pénurie de masques jetables. Ça a duré 2 mois et compensé en partie la perte de chiffre d’affaires.
Corinne : Alors que de mon côté, les réseaux dans lesquels mes coupes menstruelles étaient distribuées, les magasins bio et les pharmacies, n’étaient pas fermés ! C’est là qu’une nouvelle idée de collaboration est née : j’avais la volonté d’étendre ma gamme avec des serviettes hygiéniques lavables et durables… et Annelise avait le savoir-faire et le matériel pour le faire. Pendant l’été 2020, nous avons mis au point le design des serviettes, fait les prototypes et ajusté le produit jusqu’à ce qu’il soit conforme à notre cahier des charges. À l’automne 2020, nous avions une gamme complète, et nous sommes parties prospecter. Notamment auprès des départements, qui disposaient de budget pour lutter contre la précarité menstruelle. Deux entrepreneuses s’associant pour défendre le savoir-faire français, en favorisant la sauvegarde des emplois de l’usine Plastigom en post-covid : notre histoire a très vite trouvé un écho positif auprès des politiques ! Dominique Le Mèner, Président du Conseil départemental de la Sarthe, a souhaité nous féliciter et est venu visiter l’usine.
Annelise : Et il est surtout venu avec une excellente nouvelle, en nous annonçant qu’il passait commande de 10 000 unités de protections hygiéniques lavables pour équiper tous les collèges de la Sarthe à fin 2020 ! S’en est suivie une autre bonne nouvelle : la labellisation de nos serviettes en « Origine France Garantie » !
Et depuis, avez-vous trouvé de nouvelles synergies ?
Corinne : Oui et de formes différentes ! Nous sommes très complémentaires Annelise et moi. On a l’habitude de dire qu’Annelise c’est l’eau et que moi je suis le feu. Annelise me pousse à me poser, tandis que je la pousse à oser ! Un exemple concret : en 2021, je suis retournée sur les routes pour valoriser notre nouvelle gamme de serviettes, avec un rendez-vous incontournable au mois de novembre : le salon du Made in France. J’ai vraiment insisté auprès d’Annelise pour qu’elle vienne y valoriser ses chaussons en plein hiver… et elle a cartonné !
Annelise : Effectivement, la fougue et l’audace de Corinne m’incitent à aller de l’avant, à sortir de ma zone de confort. Entre la Tech et la Fab, nous n’avons pas la même culture. Mais on se rend vite compte que notre complémentarité mène à des super résultats !
Corinne : Et du point de vue de l’offre, Annelise m’a à nouveau apporté son expertise pour une nouvelle extension de ma gamme, avec le développement de la culotte menstruelle. Par rapport aux serviettes, ce produit nécessite une fabrication différente, avec de la pose de dentelle, d’élastiques… un savoir-faire qu’Annelise et son équipe ne maîtrisent pas. Alors elle a cherché dans tout son réseau de fabricants, d’industriels de la filière textile pour me trouver le partenaire local parfait !
Annelise : Oui et il s’avère que ce relais de croissance était une super opportunité pour ce façonnier de luxe. Fabriquer les culottes de La Week’Up permet de compenser les temps morts imposés par l’industrie du textile, très saisonnière !
Corinne : Je dispose désormais d’une gamme entière, que j’ouvre à l’exportation, notamment en Suisse. J’envoie des palettes et des palettes de produits chaque mois… Et je profite du quai d’expédition d’Annelise, car j’ai installé mes bureaux chez Plastigom !
Votre histoire fait briller les yeux ! Quels sont pour vous les facteurs clés essentiels du succès d’une collaboration entre Tech & Fab ?
Corinne : je crois que l’adaptabilité est un atout essentiel. Beaucoup de start-up ont les yeux plus gros que le ventre. Elles proposent des collaborations à des industriels qui requièrent des investissements démesurés ou une transformation trop importante. C’est normal que les industriels ne suivent pas !
Annelise : Je suis complètement d’accord. Dans notre histoire, tout le monde est gagnant : Corinne qui a développé sa gamme, et moi qui me suis ouverte à d’autres marchés, d’autres pratiques en communication. Mais il y a un autre facteur incontournable, qui n’a d’ailleurs absolument rien à voir avec le fait d’appartenir à la Tech ou à la Fab : partager les mêmes valeurs et disposer d’une bonne dose d’humanité ! On a vraiment ça en commun avec Corinne. Nous sommes des femmes de cœur, solidaires dans le développement de nos entreprises respectives, tout simplement !