La Robotique, c’est fantastique !
Après 15 ans d’un parcours aussi riche que varié, Jade Le Maître devient Directrice Générale de Proxinnov en mars 2022, la plateforme régionale dédiée à la robotique située à la Roche-sur-Yon. Avec simplicité et enthousiasme, Jade nous explique en quoi la robotique peut-être une solution à bien des problématiques industrielles, écologiques et sociétales. Et Jade l’affirme : une solution pour les ETI mais aussi pour les TPE/PME, oui, oui ! Rencontre avec une experte convaincue et captivante !
La robotique, c’est le trait commun de tout votre parcours ?
Effectivement ! J’ai exercé des métiers très différents, mais toujours liés de près ou de loin à la robotique. J’ai débuté par de la recherche sur les interactions Humain-Robot, avant de me tourner vers l’événementiel qui m’a permis de développer mon réseau dans le monde industriel et robotique… mais aussi de parfaire ma résistance au stress ! J’ai ensuite eu la chance de goûter au monde de l’entrepreneuriat, en co-créant une solution robotique d’accueil, une super aventure, en Auvergne Rhône Alpes. Fraîchement débarquée dans l’Ouest, j’occupe maintenant la direction générale de Proxinnov, et ça a beaucoup de sens pour moi ! Tout ce que j’ai pu faire auparavant nourri mon quotidien, car les missions de notre plateforme sont très variées.
Et justement, quelles sont les missions de Proxinnov ?
Nous sommes un centre technique public-privé spécialisé dans la robotique industrielle pour les TPE, PME et ETI en Pays de la Loire. Nous avons une double casquette.
D’abord, nous sommes le cluster chargé d’animer la filière de la robotique sur notre territoire : intégrateurs, fabricants, utilisateurs finaux… nous multiplions les évènements pour que tous se rencontrent et travaillent main dans la main. Une fois par trimestre, nous organisons Les rendez-vous Tech, qui sont, soit orientés sur une technologie ou une méthode particulière, soit sur une filière, en fonction des besoins des industriels.
Ensuite, nous sommes un centre de ressources techniques pour la robotisation de l’industrie. Toute l’industrie, de la TPE à l’ETI, en passant bien sûr par les PME. Aujourd’hui, 90 % du tissu industriel est représenté par des TPE / PME, majoritairement familiales. Et 76 % ne sont pas automatisées ! Notre rôle est alors de leur faire connaître les atouts de la robotique et d’accélérer la mise en œuvre de solutions robotisées pour booster leurs performances.
Les TPE aussi peuvent bénéficier des apports de la robotique ?
Complètement ! Et c’est justement pour le faire savoir que nous existons ! Pendant longtemps, la robotique s’est focalisée sur la grande série, la standardisation des pièces. Aujourd’hui, des technologies émergent pour s’adapter aux petites et moyennes séries et des solutions logicielles se développent pour que le robot s’adapte et diversifie ses tâches tout au long de la journée en fonction de la nature de la production. Car la robotique peut être bénéfique dans tous les secteurs : celui de la métallurgie comme de l’agroalimentaire, celui du bois comme du textile…
Nous prenons au quotidien notre bâton de pèlerin pour acculturer un maximum de petites entreprises à la robotique : on les invite à venir chez nous, à mettre les mains dans le cambouis, à expérimenter, tester… C’est le meilleur moyen de convaincre de la pertinence des solutions robotiques. En moyenne et en dehors des évènements, nous organisons entre 450 et 500 visites par an.
Mais attention, lorsque nous étudions la pertinence d’une solution robotique pour une TPE ou une PME, nous le faisons toujours en intelligence, en faisant une analyse des coûts pour s’assurer que le retour sur investissement soit gagnant pour l’entreprise. Il ne s’agit pas d’équiper pour équiper, ça n’aurait aucun sens. Le coût de la robotisation n’est jamais négligeable – investissements dans le matériel, la sécurité, la formation des équipes aux nouveaux outils – on le met donc toujours en regard des besoins réels de l’entreprise.
De la même manière, notre équipe d’experts a une position conseil totalement neutre. Nous possédons au sein de notre centre toutes les technologies, toutes les marques existantes, et nous sommes tous formés sur l’intégralité des solutions. Notre rôle n’est pas de préconiser tel ou tel fournisseur / intégrateur, mais bien d’accompagner l’industriel vers la solution robotique la plus efficiente, puis de l’aider à faire son cahier des charges pour qu’il puisse ensuite choisir son partenaire. Nous sommes un tiers de confiance, toujours du côté de la performance durable de l’industriel.
La robotique peut-elle être une solution à la pénurie de main d’œuvre ?
Oui complètement. Là encore, je veux d’abord lutter contre une idée préconçue : la robotique n’est pas là pour « piquer le job » des opérateurs ! Au contraire, les robots sont une solution pour réduire la partie ingrate du travail d’un opérateur qui, lui, évolue vers plus de responsabilités et des missions plus épanouissantes. Prenons un exemple : la Vendée est une terre de menuiserie industrielle, avec une pénurie importante sur le métier de soudeur. Mais imaginez la dureté de certaines tâches ! Par illustrer, pour faire un cordon de soudage sur une forte épaisseur, cela prend 1h à l’opérateur, 1h pendant laquelle il supporte un appareillage de 15 à 20 kg ! On peut comprendre pourquoi ce n’est pas très attractif. Avec la robotisation, l’expert soudeur devient manager de robots, avec une responsabilisation sur le contrôle qualité, pendant que le robot lui fait 90 % de la tâche. Plus séduisant non ? 65 % des sujets que l’on traite sont d’ailleurs liés à l’ergonomie du poste et donc l’amélioration des conditions de travail.
Et pour revenir à la question, oui la robotique peut être une solution à la pénurie. Toujours en prenant en compte le retour sur investissement. Mais une chose est sûre : le coût de ne pas produire par manque de ressources humaines sera toujours plus fort que le coût d’un robot !
Y a-t-il des filières plus actives en matière de robotisation ?
Deux filières sont particulièrement dynamiques car en pleine croissance : la filière électronique (biens de consommation et IoT) et celle du travail du métal (construction de maisons, de bâtiments, d’éoliennes…). La filière agroalimentaire tend elle aussi à davantage se robotiser, mais cela s’explique cette fois par des mutations réglementaires, qui lui impose de réinventer les process. Autre filière, celle du bois : mise à mal pendant le COVID, elle se transforme via la robotisation pour redevenir compétitifs.
Au-delà du secteur d’activité, il y a aussi des tendances économiques qui poussent à étudier les atouts de la robotique. Par exemple, la relocalisation de certaines productions en France suppose une robotisation d’une certaine partie des tâches pour espérer être compétitifs.
De la même manière, la crise énergétique soulève des questionnements : par rapport à un robot, la consommation énergétique d’une personne est très faible. Robotiser tout un entrepôt peut donc paraître un investissement élevé… mais l’avantage, c’est qu’on n’a plus besoin de chauffer cet entrepôt… comparativement, l’investissement peut s’avérer très rentable.
Que répondez-vous à ceux qui craignent le trop fort développement des robots par rapport aux humains ?
Cela fait 15 ans que je travaille dans la robotique, 15 ans que j’observe cette peur très occidentale, qui pour moi, relève du fantasme. J’ai l’habitude de dire qu’il n’y a rien de plus stupide qu’un robot ! Imaginons une ligne de production de tartelettes au citron. On confie le contrôle esthétique de cette tartelette à un robot. Le temps qu’il faut pour lui faire comprendre les critères d’esthétisme est très long. Mais une fois qu’il a compris, il enchaîne. En revanche, si la même usine produit des tartelettes cette fois-ci à la pomme, il faudra réitérer le travail d’apprentissage !
Pour faire simple, pour des tâches particulières et très précises, le robot est plus performant que l’humain (mais le temps d’apprentissage est beaucoup plus long) et, à l’inverse, l’humain est capable de faire un nombre infini d’actions en un temps d’apprentissage très limité. C’est une des raisons pour laquelle la voiture autonome a tant de mal à se développer. La technologie fonctionne sur une autoroute où il n’y a aucun obstacle particulier, mais dès lors que l’on passe aux essais sur une route de campagne (feuillage, bosses, priorité à droite…), rien ne va plus !
L’industrie de demain, vous la voyez comment ?
Belle ! Elle sera toujours plus proche des gens, toujours plus efficace, toujours plus responsable et écologique. Les industriels se partageront les outils de production dans une logique de rationalisation et d’économies pour la planète. La production se fera à la demande et non plus en masse, et les opérateurs travailleront main dans la main avec des robots qu’ils manageront grâce à leurs expertises, dans des conditions de travail au top !